Fiches Pratiques

Agir : réhabilitation et traitement des sites et sols pollués

Chapitre 1. Le traitement d’un site

I. Comment fixe-t-on les objectifs de réhabilitation des sols ?

La politique française en matière de réhabilitation des sites et sols pollués veut que les objectifs soient fixés en fonction de l’usage envisagé du site, c’est-à-dire l’usage auquel le détenteur le destine et selon les techniques disponibles. Sauf qu’il n’existe pas de typologie des types d’usages de référence. La détermination de l’usage se fait donc en concertation des différents acteurs.

C'est donc une étude du site qui détermine les objectifs de réhabilitation. Elle est menée selon la méthodologie de l'évaluation détaillée des risques et prend en compte les cibles suivantes : l'homme et la ressource en eau, qui doivent être protégés en priorité, les écosystèmes et les biens matériels.

II. Comment traite-t-on un site ?

Le traitement du site se fera en fonction des impacts de la pollution du sol sur l’environnement ou la santé par rapport à l’usage futur projeté du site. Ainsi, dans certains cas, le dépôt d'une simple couche de couverture imperméable isolera les terres polluées, arrêtera les entraînements de polluants vers la nappe et interdira toute exposition directe.

Dans d'autres cas, le niveau de dépollution atteint permettra l'implantation d'activités industrielles mais ne sera pas compatible avec une occupation résidentielle ou agricole.

Ainsi, le traitement du site sera nécessaire dans certaines situations. Pour cela, on distingue généralement quatre catégories de techniques :

1. Les traitements « in situ » sans excavation :

  • extraction des polluants par dégazage sous vide, lavage à l'eau et soutirage, lavage à la vapeur...,
  • traitement de la nappe par extraction en phase liquide par pompage, épuration en station locale et réinjection de l'eau épurée,
  • stabilisation physique, neutralisation chimique des terres en utilisant des liants et des réactifs,
  • traitement biologique par injection d'éléments d'activation des mécanismes naturels de dégradation biologique.

2. Les confinements sur site, avec ou sans extraction de polluants :

  • dispositifs latéraux limitant la dispersion des polluants,
  • extraction et rebouchage sur place,
  • protection surfacique limitant la lixiviation.

3. Les traitements sur site, après excavation par lavage et traitement physico-chimique, biologique, par incinération...

4. Les traitements hors site par extraction des déchets et matières polluées et élimination de ceux-ci à l'extérieur du site. Des unités de traitement spécifique de sols pollués sont désormais disponibles.

Source : site BASOL mis en place par le Ministère de la Transition écologique et solidaire

III. Comment maintient-on la compatibilité de l’état du site et son usage ?

Pour garantir dans le temps que l’usage du site sera compatible avec son état, il est nécessaire d’établir certaines actions :

  • Etablir des restrictions d’usage sur le site, comme des servitudes d’utilité publique par exemple ;
  • Et/ou porter à la connaissance du public les risques potentiels d’un tel site et conserver ces données dans des bases consultables telles que BASIAS ou BASOL.

Chapitre 2. La procédure de traitement applicable

I. Quelle est la procédure applicable ?

En l'absence d'urgence, les préfets utilisent les pouvoirs qu'ils détiennent en vertu de la législation ICPE.

Notification et mise en sécurité

Dès lors que les terrains susceptibles d’être affectés à un nouvel usage sont libérés, il est nécessaire que l’exploitant le notifie au préfet. Ce dernier peut alors prendre des prescriptions relatives à la remise en état du site.

Article R 512-39-1 du Code de l’environnement

Concertation pour usage futur

Lors de la notification, l’exploitant indique l’usage futur du site qu’il souhaiterait. Si le maire de la commune donne son accord pour cet usage, ou s’il ne répond pas dans un délai de 3 mois, c’est l’usage proposé par l’exploitant qui est alors retenu. Dans le cas contraire, s’engage alors une discussion entre l’exploitant et le maire de la commune (ou le président de l’EPCI) pour trouver un accord sur l’usage futur du site. Si les parties ne trouvent aucun accord, c’est alors un usage comparable à la dernière période d’exploitation qui est retenue.

Cette étape n’existe pas pour les ICPE soumises à déclaration.

Article R 512-39-2 du Code de l’environnement

Le mémoire de réhabilitation

Après détermination de l’usage futur, l’exploitant transmet au préfet un mémoire de réhabilitation comportant :

les mesures de maîtrise des risques liés aux sols éventuellement nécessaires,

  • les mesures de maîtrise des risques liés aux eaux souterraines ou superficielles éventuellement polluées,
  • en cas de besoin, la surveillance à exercer,
  • les limitations ou interdictions concernant l'aménagement ou l'utilisation du sol ou du sous-sol, accompagnées, le cas échéant, des dispositions proposées par l'exploitant pour mettre en œuvre des servitudes ou des restrictions d'usage

Cette étape n’existe pas pour les ICPE soumises à déclaration.

Différents arrêtés préfectoraux

En cas de découverte d'un site pollué ne présentant pas d'urgence particulière, le préfet peut prendre différents types d'arrêtés pour :

  • prescrire des travaux à réaliser par le responsable de la pollution,
  • mettre en demeure le responsable en cas de non-respect du premier arrêté,
  • lancer une procédure de consignation des sommes nécessaires à la réalisation des travaux lorsque ceux-ci n'ont pas été effectués à l'expiration des délais fixés par l'arrêté préfectoral de mise en demeure de faire les travaux.

Le recouvrement de la consignation

Dans l'hypothèse où la consignation des sommes nécessaires à la réalisation des travaux aboutit au recouvrement d'un certain montant, plusieurs hypothèses peuvent se présenter :

  • soit le responsable désigné réalise les travaux et le Trésorier payeur général (TGP) rembourse les sommes au fur et à mesure de l'exécution des travaux,
  • soit le responsable n'engage pas les travaux et le préfet peut mettre en œuvre la procédure d'intervention d'office dont le financement est assuré par les sommes consignées, en faisant appel à une entreprise spécialisée dans les règles prévues par le Code des marchés publics,
  • soit le responsable n'assure pas les travaux et les sommes consignées ne peuvent couvrir l'ensemble des frais, et c'est alors l'ADEME (Agence de l’environnement et de la maitrise de l’énergie) qui sera chargée de l'exécution d'office des travaux, après saisine du Ministère chargé de l'Environnement. L’ADEME pourra ensuite se retourner contre le responsable de la pollution, s’il est solvable, pour obtenir tout ou partie des dépenses engagées pour le traitement du site.

Chapitre 3. Procédure applicable en cas d’urgence impérieuse

L'Etat, garant de la sécurité publique, peut être amené à intervenir en dernier recours lorsqu'il y a menace grave pour la population et l'environnement.

I. Qu'est-ce qu'une urgence impérieuse ?

Une urgence impérieuse est celle qui appelle une action immédiate non seulement pour prévenir un accident imminent et inéluctable mais aussi pour compléter une action des pouvoirs publics visant à contenir ou résorber les effets d'un accident technologique survenu sur le site d'une ancienne installation.

Elle peut résulter notamment de la présence d'émanations toxiques, de la dispersion de substances dans les sols, ou de risques d'incendie.

II. Quels sont les acteurs qui doivent intervenir ?

L'existence d'un risque avéré rend l'intervention du préfet obligatoire, faute de quoi la responsabilité de l'Etat peut être engagée pour faute. C’est alors à lui de décider si l’emploi des services de protection civile est nécessaire, ou encore une intervention de l’ADEME.

III. Quelle est la procédure applicable en cas d'urgence impérieuse ?

En présence de responsable connu

Les préfets peuvent prescrire un arrêté de travaux d’urgence (ATU) à l’encontre du responsable qui prévoit alors la réalisation de mesures conservatoires d'urgence dans un délai de l'ordre de quelques heures à quelques jours.

En cas de carence du responsable, le préfet lance la procédure de « l'arrêté de travaux d'office » (APTO), c’est-à-dire qu’il confie à l’ADEME le soin de réaliser les travaux d’urgence nécessaires.

En absence de responsable connu

Le préfet prend un arrêté de travaux d'urgence en limitant ceux-ci aux mesures techniquement très urgentes ou impérieuses afin d'éviter une pollution imminente, et/ou son extension rapide.

Ces travaux étant réalisés d'office par l'ADEME, il doit y avoir, au préalable, accord du Ministère chargé de l'Environnement et consensus sur l'urgence de la situation.

Il ne s'agit que de mesures d'urgence et ce n'est donc pas dans ce cadre que doit être réglée la résorption de la pollution qui ne sera poursuivie qu'après la découverte des responsables et selon les procédures normales.

Circulaire du 26/05/11 relative à la cessation d’activité d’une installation classée chaîne de responsabilités – défaillance des responsables

Chapitre 4. La détermination du responsable

I. Les obligations résultant de la cessation d’une ICPE

La fin de vie d'une ICPE, c'est-à-dire la cessation de l'activité, implique des obligations de notification au préfet et de remise en état du site.

Pour plus d’informations, vous pouvez vous reporter au Chapitre 5 de la fiche « L’exploitation d’une ICPE » disponible dans la rubrique ICPE

II. La hiérarchie des responsables en matière de sols pollués

Responsable identifiable

La détermination du responsable de la pollution va dépendre de l’origine de cette pollution. Le responsable sera déterminé par ordre hiérarchique dans les cas suivants.

Dans le cas d’une ICPE ou d’une Installation nucléaire de base (INB) :

1. Le dernier exploitant : il s’agit en général de l’exploitant en titre, titulaire de l’autorisation d’exploiter. C’est une obligation d’ordre public pour lui. Il ne peut pas s’en détacher, par exemple en vendant l’exploitant ;

2. Ou, le cas échéant, le tiers demandeur : pour en savoir plus sur le tiers demandeur, vous pouvez vous reporter au Chapitre 5 de la fiche « L’exploitation d’une ICPE » disponible dans la rubrique ICPE ;

3. Ou, en cas de changement d’usage, le maître d’ouvrage à l’origine du changement d’usage.

Il existe encore d’autres cas de responsables de premier rang comme l’ayant-droit du dernier exploitant (société absorbante issue d’une fusion, apport partiel d’actifs, etc.), la société mère en cas de liquidation judiciaire ouverte à l’encontre de l’exploitant.

 

Dans le cas d’une autre origine de pollution :

1. Le producteur des déchets qui a contribué à la pollution du site : il s’agit de toute personne dont l'activité produit des déchets ou toute personne qui effectue des opérations de traitement des déchets conduisant à un changement de la nature ou de la composition de ces déchets ;

2. Ou le détenteur des déchets dont la faute y a contribué : il s’agit de toute personne producteur des déchets ou toute autre personne qui se trouve en possession des déchets.

 

En l’absence de ces responsables, et à titre subsidiaire, on se retournera contre le propriétaire du terrain pollué s’il est démontré qu’il a fait preuve de négligence ou s’il n’est pas étranger à la pollution. De plus, le propriétaire d’un site sur lequel ont été entreposés des déchets peut être regardé comme ayant la qualité de détenteur de déchets s'il a fait preuve de négligence à l'égard d'abandons sur son terrain.

Le propriétaire va être considéré comme étant responsable lorsqu’il :

  • S’abstient de toute surveillance et de tout entretien du terrain en vue de limiter les risques de pollution et les risques d’incendie,
  • Ne procède à aucun aménagement de nature à faciliter l’accès au site des services de secours et de lutte contre l’incendie,
  • Ne prend aucune initiative pour assurer la sécurité du site ni pour faciliter l’organisation de l’élimination des déchets.

Article L 556-3 du Code de l’environnement

CE, 26 juillet 2011 et CE, 25 septembre 2013, société Wattelez

Responsable non indentifiable

Dans le cas où le responsable de la pollution du site ne peut pas être identifié, a disparu ou est insolvable, la réhabilitation du site peut être confié par l’Etat à l’ADEME.

Article L 556-3 du Code de l’environnement

Chapitre 5. Les conditions de cession d’un site pollué

I. De quel type d’acte s’agit-il ?

Il faut tout d’abord identifier le type d’acte de cession opéré pour la transmission du site impacté :

  • Changement d’exploitant : ce cas n’est possible que si l’exploitant entrant devient le propriétaire de l’assise foncière. Il faut alors un transfert d’autorisation dans le cas d’une ICPE soumise à autorisation environnementale ;
  • Tiers intéressé ;
  • Cession d’actif(s) : ce cas nécessite l’acquisition de l’actif d’une société, une absence de changement d’exploitant (la personne morale exploitante demeure), et la rédaction d’un acte de cession d’actif.
  • Cession du site pendant ou après exploitation : il faut vérifier dans ce cas s’il y a cessation de l’activité sur le site, si un dernier exploitant existe et s’il est identifiable, puis rédiger l’acte de cession.

II. L’acte de cession d’un site impacté

Il y a 2 phases à l’acte de cession : la préparation de la cession et la rédaction de l’acte.

Préparation de la cession

Il est nécessaire dans cette phase de :

  • déterminer l’état de l’activité présente ou passée sur le site : le type d’activité, si celle-ci est toujours en cours ou non, si la remise en état a été effectuée…,
  • recueillir les informations sur le passif du site : base de données, rapports de bureau d’étude…,
  • et, si nécessaire, prendre contact avec les services administratifs compétents.

Rédaction de l’acte

L’acte de cession lui-même doit contenir diverses informations importantes, présentes pour la sécurité contractuelles des parties :

  • obligation générale d’informations précontractuelles (article 1112-1 du Code civil),
  • obligation spéciale d’information (article L 514-20 du Code de l’environnement),
  • un devoir de vigilance (loi du 27 mars 2017, n°2017-399) : établissement et mise en œuvre d’un plan de vigilance pour les entreprises de plus de 5 000 salariés dont le siège social est situé sur le territoire français,
  • détermination de l’usage futur du site,
  • clause de garantie du passif environnemental : cette clause est légale sauf lorsque le vendeur est le dernier exploitant de l’installation,
  • présence de servitude(s) ou autres restrictions d’usage,
  • obligations réelles environnementales (article L 132-3 du Code de l’environnement)

Cette liste d’éléments à apporter dans le contrat de cession n’est pas exhaustive. Pour plus d’informations, vous pouvez consulter des juristes ou avocats spécialisés dans le domaine.

III. Les responsabilités générées par un site impacté

L’acquéreur dispose de nombreuses action en responsabilité contre le vendeur du site. Il peut ainsi engager la responsabilité du vendeur :

  • Sa responsabilité administrative ;
  • Sa responsabilité civile :
      • en matière délictuelle : le manquement de l’exploitant à son obligation de remise en état constitue une faute. Par ailleurs, la pollution d’un terrain peut engager la responsabilité de son propriétaire sur le fondement du trouble anormal de voisinage ou de la garde de la chose. Articles 1240 et suivants du Code civil
      • en matière contractuelle (dans le cas d’une vente par exemple) : défaut d’information, vice caché ou défaut de la délivrance de la chose conforme.

 

Mise à jour : 09/09/19